« Pleine ouverture sur les TCA »
Le 20 janvier 2017, j’ai photographié un spectacle caritatif : « Re-act for the cause », sur les troubles du comportement alimentaires. Suite à ce photo-reportage, j’ai rencontré deux femmes. Elles m’ont inspirées à créer un projet pour elles : «Moi et mon corps».
Y souffrait de troubles du comportement alimentaires depuis 7 ans. Elle m’a parlé de sa lutte, de sa maladie à cœur ouvert. « J’accepte cette maladie mais je souhaite continuer à travailler sur l’image de mon corps. » me disait-elle.
En prenant des postures corporelles, nous avons mis en scène sa souffrance.
Je me souviens de cette longue table en marbre, de son corps nu, de cette lumière douce qui transperçait les rideaux blancs, de son excitation au début de la séance photo, mais surtout de cette envie de vivre pleinement cette expérience photographique.
Je pense qu’elle savait qu’elle allait vivre quelque chose de différent, quelque chose qui allait soit l’aider à avancer soit la laisser là où elle était.

Mars 2017, Morges, Suisse
«Le supplice»
En boule
La première position corporelle qu’elle a dessinée, c’était elle en boule. Je lui ai donc proposé de s’installer en boule sur la table, profil à moi. Cette boule, ce repli sur soi en juxtaposition avec les lignes structurales de l’architecture de la salle et de la table, m’ont inspirée. Bien que ces images ne sont pas celles que je préfère, ni celles qu’elle préfère à cause des plis sur son corps, elles décrivent à perfection son état au début.

Mars 2017, Morges, Suisse
«Le repli sur soi»

Mars 2017, Morges, Suisse
«Une maladie dévorante»
Des mains féroces
Puis, quand elle me décrivait sa maladie, elle me décrivait des mains emprisonnantes, des mains qui prenaient le dessus sur son corps. Je lui ai demandé de rester en boule tout en aggrippant son corps. Puis, de se mettre debut et de s’enlacer.

Mars 2017, Morges, Suisse
«Le mal est en moi»

Mars 2017, Morges, Suisse
«L’emprise de la maladie»

Mars 2017, Morges, Suisse
«Protection contre le regard des autres»
Pleine ouverture sur son intimité
En fin de séance, Y m’a ouvert la porte de son intimité. Elle souhaitait faire des photos de ce rituel si honteux, mais si central de la maladie.
C’est elle qui a dirigé cette partie de la séance. Je n’étais qu’une observatrice bienveillante qui rendait visible quelque chose de caché.
Pendant que je la photographiais, je tremblais. J’étais émue par sa confiance. Je savais que si je loupais ces photos, j’allais la décevoir. Et ça, c’était inconcevable pour moi.
J’ai décidé de mettre un peu de légèreté en lui parlant. J’ai essayé de la faire sourire entre les poses. Mais tout ce que je voyais, c’était son corps nu devant la cuvette des toilettes et cette lumière blanche aveuglante qui envahissait la salle. Tout m’inspirait à ce moment-là.

Mars 2017, Morges, Suisse
«Honte»

Mars 2017, Morges, Suisse
«Paralysie»
Depuis, j’ai appris à être plus ambivalent face à la perception de mon corps. De pouvoir avoir un double regard sur mon corps (l’aimer, comme moins l’aimer) alors que les photos ont été prises le même jour. Cela est nouveau et positif pour moi.
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